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Une économie, une communauté florissantes (6/01)

By Eric Charlebois Imaginez une vaste contrée d'un vert forêt authentique. Allez. Prenez-en le temps.

By Eric Charlebois

Imaginez une vaste contrée d'un vert forêt authentique. Allez. Prenez-en le temps. Maintenant répétez le procédé à la lumière des paroles du célèbre philosophe français Jean-Jacques Rousseau: un lieu sacré y est dépeint; un endroit où la nature est seule monarque; un endroit que l'homme n'a pas encore exploité; un endroit où la prospérité est mesurée selon la salubrité de l'air. Pourtant, Rousseau est mort - et sans même être venu à Chapleau!

Une communauté ne dispose que des moyens qu'elle s'approprie. Ainsi, l'on peut mieux expliquer la survie, la réussite, l'effervescence d'un village qui, bien qu'attachant, se situe à près de 200 kilomètres du centre urbain voisin. La prospérité de Chapleau n'est pas un concept d'ordre métaphysique, mais plutôt la conséquence inévitable de structures administrative et économique conciliantes. Concourent à cette réussite l'industrie forestière, le miracle qu'est le chemin de fer pancanadien, le tourisme, les richesses naturelles, et, ce qu'acclamerait sans doute Rousseau, les arts et la culture.

Chapleau est peuplé à approximativement un pour cent d'hommes, un pour cent de femmes et à 98 pour cent d'arbres. Néanmoins, l'être humain y a vite appris la loi du talion: ces arbres constituent la source primordiale de survie, puisque deux compagnies majeures d'exploitation forestière, soit Domtar et Weyerhaeuser, embauchent, dans les secteurs économiques primaire et secondaire, quelque 400 employés.

De la coupe à la transformation en passant par le transport et toutes les étapes mitoyennes et connexes, les arbres génèrent alors un peu plus que de l'oxygène pour les habitants de Chapleau. Le bois d'oeuvre qui provient de cette transformation est vendu à environ 75 pour cent à nos voisins américains et à environ 25 pour cent ici-même au Canada. En outre, une innovation, la première du genre au Canada, permet le recyclage des résidus de la transformation du bois en une énergie génératrice d'électricité à l'entreprise Co-Generation Ltd. de Chapleau.

Les sens bien affûtés, l'on peut s'intégrer graduellement au style de vie qui s'offre à soi : aspirer la résine, la sève et les aiguilles qui nous bordent - puis entendre au loin le grincement et les entrechocs ferraillés d'un train. L'on constate alors, somnolent à cette heure de la nuit, que le Canadian Pacific Railway a pignon sur voie ferrée à Chapleau; environ 220 personnes y oeuvrent. Des conducteurs, des ingénieurs et mécaniciens ferroviaires et des préposés de tous ordres pourvoient à la réparation des engins et des véhicules, ainsi qu'à l'entretien de la voie ferroviaire.

Plus d'une quinzaine de trains font quotidiennement escale à Chapleau, pour la plupart des trains de marchandises. Il reste que le Budd Train, un train de passagers, est également de passage à tous les jours, Chapleau jalonnant son trajet entre Sudbury et White River. Ce train est d'ailleurs l'un des moyens de transport qui puisse vous permettre de profiter du cachet enchanteur de Chapleau: son industrie touristique.

Il est impératif d'y vivre l'expérience unique de la vie en nature, des excursions pédestres, à motoneige ou en canot, à la chasse et la pêche. Il faut parfois faire évacuer ces pulsions qu'engendre "la vie civilisée et policée" tel qu'y faisait allusion Rousseau! La vie est devenue une course effrénée; il fait bon de renouer avec le rythme apaisant de la nature!

C'est un des paradoxes que couve ce village: malgré la concurrence qui s'inocule à une vitesse vertigineuse dans tous les domaines de l'économie, il est possible de prendre part à l'engrenage économique, tout en se laissant bercer par les clapotis, les gazouillis et les crépitements qui ponctuent les 700 000 hectares de terre que constitue la plus grande Réserve faunique de la couronne au monde, celle de Chapleau, bien sûr! Quatre parcs provinciaux sont aussi à votre portée, soit ceux de Wakami Lake, d'Ivanhoe Lake, de Shoals et de Missinaibi Lake.

Que plus beau terrain pour cette symbiose que l'expression artistique par laquelle est célébrée la vie. Et cette vie, elle est exultante; elle ponctue les jours, elle orne les visages, elle tapisse les murs; elle se fait presque par photo-synthèse!

Sur cette terre nordique, féconde et favorable à la croissance éternelle d'arbres majestueux, les assises sont bien posées.. Comme si la nature les avait elle-même encastrées. L'économie de Chapleau repose sur des valeurs sûres: la nature et les arts bordent la chaleur humaine; tous trois convergent vers un but commun : la production. Tant que le désir respire.

Eric Charlebois est professeur a l'école secondaire catholique Trillium à Chapleau.