By Eric Charlebois
On dit que les artistes disposent d'une sensibilité affîtée : ils peuvent créer, à partir de leur matière de prédilection, la réplique exacte de ce qu'offre à nos sens la multitude d'objets qui jonchent notre environnement. Si, souvent, la création artistique s'avère une juxtaposition, en un même point focal, de bribes de diverses réalités, qu'en est-il des artistes qui reproduisent la réalité avec tellement de justesse, que création et créature sont confondues? C'est un peu cette duplicité qu'a atteint l'art de Gisèle Benoit et de ses parents Raynald et Monique.
Originaires de la nature québécoise et explorant plus précisément celles de Lavaltrie et de Sainte-Anne-des-Monts au Québec, le trio Benoit a mis en oeuvre le Centre de recherche faunique Gisèle Benoit, aux abords du Lac Racine, à Chapleau. Le Centre, qui mettra en branle son exploitation en juin 2001, se veut un projet concerté qui a comme but l'éthologie, ou l'étude du comportement des espèces animales dans leur milieu naturel.
C'est grâce à la communication que l'être humain s'est constitué en un être social. Il y a déjà longtemps que Gisèle Benoit a compris cela. Seulement, sa société c'est la nature. En communion avec cette dernière, Gisèle l'a toujours été.
Si l'art figuratif est à son paroxysme lorsque reproduction et réalité forment une unicité, celui de Gisèle reste unique en son genre : elle communique avec les orignaux toujours, dans le but de consolider cette communion.
Son pinceau et son stylo se transforment en une fabuleuse conque virtuelle et le tour est joué! Bien plus qu'une étape logique dans les recherches en éthologie, c'est un mode de vie. Ses tableaux et sa documentation sont en perpétuel mouvement autour d'elle, l'effleurent, même; de quoi se méprendre entre réalité et fiction - à ce point, seulement, peut-on affirmer que l'art se vit !
Gisèle Benoit est une autodidacte multidisciplinaire : artiste, peintre, naturaliste, auteure de recherches, scénariste et réalisatrice de films documentaires sur la faune et le comportement animal, ainsi que conférencière et animatrice. C'est par la peinture que Gisèle exprime à priori la ferveur de sa véritable passion: la nature. C'est d'ailleurs dans le cadre de cette incommensurable salle de classe que Gisèle acquiert très vite un souci du détail scientifique qu'elle soumet ensuite au faisceau d'une vision artistique particulière.
Il reste que c'est par le truchement d'entrevues ou de projets cinématographiques que Gisèle croit pouvoir transmettre son message écologique avec le moins d'ambigueté possible; elle peut alors rendre compte de ses recherches inédites sur le comportement des animaux et sensibiliser un public élargi quant aux impératifs qu'implique la protection de nos richesses naturelles. En compagnie des orignaux a même valu à l'équipe Benoit trois mentions aux Gemini Awards, édition de 1994, un documentaire dont Gisèle fut la réalisatrice.
Elle s'est alors engagée à vivre près des orignaux; on peut alors percevoir le fondement du titre de ce documentaire. Il faut tout de même croire que ce film ne fut point le summum pour Gisèle et ses parents, puisque c'est cette entreprise de collusion qu'ils viennent poursuivre à Chapleau.
Ce faisant, Gisèle suit pourtant des traces patentes dans les forêts obscures et bourbeuses de la vie: celles de ses parents. Membre de l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision, Raynald est ce qu'il convient d'appeler un artiste de l'image qui a su conjuguer ses talents artistiques et ses passions, les oiseaux et la vie animale. Il a parcouru le Canada au cours des années 1970 afin de garnir sa collection de photographie animalière.
Au cours des années 1980, après avoir fait l'acquisition d'une première caméra, Raynald apprivoise le tournage et le montage, à un point tel que, par l'entremise des entreprises Projections Nature Nouvelle Inc., il devient le cinéaste de beaucoup de films projetés à l'auditorium du Jardin botanique de Montréal, ainsi que dans les amphithéâtres de beaucoup de centres de conservation florale et faunique du Québec. Raynald a même mis sur pied sa propre maison de production le 23 décembre 1993, Les Productions Raynald Benoit Inc., et il entend se lancer dans l'érection d'un studio de montage et d'un réseau de distribution de vidéocassettes et dans la production de films animaliers télévisuels.
En somme, c'est à Chapleau que la famille Benoit a choisi de laisser libre cours à ses projets. Le Centre de recherche faunique Gisèle Benoit se veut un temple d'étude des comportements des animaux qui composent notre faune, et ce, par le biais de la communication. On aspire même à s'acheminer vers la publication, la réalisation, la production et la parution d'ouvrages textuels, visuels et télévisuels. Il faut dire que la Réserve faunique de Chapleau s'avère un véritable pays de cocagne pour de tels projets. Tout compte fait, la réalité y façonne l'art. Tapi entre la nature et l'art, l'être humain n'a peut-être qu'à tenir la caméra et à s'assurer que la bande tourne effectivement.
Eric Charlebois est professeur à l'école secondaire catholique Trillium à Chapleau.